C’est sur le plateau de Langres, il y a quelques années, que j’ai rencontré pour la première fois la scutigère véloce, ou mille-pattes des maisons. Ce soir-là, dans la belle et spacieuse chambre que des amis avaient mise à ma disposition, un des murs s’ornait d’un magnifique spécimen.
Je me suis fait cette réflexion qu’à la place d’une broche en or, une scutigère de belle taille ornerait tout aussi joliment le revers d’un tailleur. Qu’en dites-vous, mesdames ?
Par la suite, j’ai eu l’honneur de cohabiter à mon tour avec cette étrange bébête. Il est vrai que ma maison était assez grande pour éviter toute promiscuité gênante.
Un soir, le hasard a voulu que je sois dans ma cuisine au moment où une Scutigera coleoptrata entreprenait de se dégourdir les pattes. Voir un tel animal émerger de l’orifice du trop-plein de son évier, je reconnais que cela vaut les meilleures scènes des films d’horreur.
Considérée comme un prédateur utile, la scutigère participe à l’élimination des insectes. Il est donc avantageux de tolérer sa présence et de la laisser chasser en paix plutôt que de la tuer. On trouve rarement cet arthropode en grand nombre dans une maison. De plus, Scutigera coleoptrata ne transmet pas de maladie aux humains ni aux animaux et elle ne cause aucun dommage matériel. – Insectarium de Montréal
Ajoutons que la scutigère est censée ne mordre qu’en dernier recours, si elle est agressée. Il semble cependant que l’expérience personnelle de certains blogueurs soit en contradiction avec les commentaires des entomologistes : maisons envahies, contacts trop rapprochés (et à l’improviste), morsures non méritées (produisant un effet équivalent à celui d’une piqûre de guêpe). Pour ma part, cette cohabitation ne m’a jamais posé de problème.
Un autre soir, j’ai eu une chance inouïe : un superbe spécimen prenait un bain de soleil dans mon évier en émail blanc. J’ai couru chercher mon Minolta 24x36 reflex, sur lequel j’ai monté une bague macro et un zoom 35-70. « Scuty » a gentiment posé pour moi, tout en astiquant nonchalamment ses antennes l’une après l'autre.
Je n’ai eu aucun besoin de toucher ni de manipuler mon sujet. Cela aurait d’ailleurs été contraire à mon éthique (je veux parler, bien entendu, de l’éthique que tout photographe de nus se doit de s’imposer).
En attendant d’aller faire numériser mes clichés, je me suis résolu à user d’un procédé peu orthodoxe. J’ai pris mon appareil numérique compact et j’ai photographié mes tirages papier (ensuite, quelques retouches ont bien sûr été nécessaires) : barbare, non ?