J’ai eu récemment le plaisir d’entendre Yves Coppens résumer l’histoire de la vie sur Terre et l’histoire de l’homme et raconter quelques anecdotes croustillantes, notamment celle que je rapporte ici. Je suivrai l’exemple de l’éminent paléoanthropologue qui a préféré laisser à ses auditeurs le soin d’en tirer eux-mêmes les conclusions.
Un jour, donc, Yves Coppens et Jean-Jacques Petter (directeur du zoo de Vincennes) avaient décidé de procéder à une expérience dont le but, si j’ai bien compris, était de voir si le chimpanzé commun présentait des capacités intellectuelles suffisantes pour pouvoir être considéré comme notre digne cousin.
(Ici, j’ouvre une parenthèse, c’est plus fort que moi : et si, pour changer, l’on soumettait des humains à une expérience pour voir s’ils peuvent être considérés comme les dignes cousins des autres grands singes ?)
Ne disposant apparemment d’aucune salle ad hoc, nos deux compères se contentent d’une des salles d’exposition du Museum d’histoire naturelle. On pend des bananes au plafond et l’on installe une table à une extrémité de la pièce et une chaise à l’autre extrémité, puis on amène un chimpanzé.
Il s’agissait de voir si le chimpanzé serait capable, à l’instar d’un être humain, de penser à réunir la chaise et la table et à poser la première sur la seconde, seule façon de pouvoir atteindre les bananes.
Coppens et Petter sortent de la salle et referment la porte derrière eux. Le protocole scientifique, très élaboré comme Coppens nous le fait remarquer, prévoyait l’observation des faits et gestes du chimpanzé à travers le trou de la serrure. Petter s’y colle mais ne voit rien. Comment est-ce possible ? Il fait jour et la salle n’a pas de volets !
Coppens et Petter rouvrent la porte et vérifient que la serrure n’est pas bouchée. A nouveau, ils ressortent de la salle et referment la porte.
Petter regarde une nouvelle fois dans le trou de la serrure et sursaute : il vient de voir l’œil du chimpanzé.
L’expérience s’est arrêtée là. Yves Coppens est allé décrocher lui-même les bananes pour les offrir à notre cousin poilu.