Quand je vois des prospectus sur les pare-brise, et surtout sur la lunette arrière des voitures, je les enlève et je les jette à la poubelle. Je fais cela pour plusieurs raisons. Premièrement, la production de ces prospectus, en sachant pertinemment que la plupart seront ignorés et jetés, est un énorme gaspillage. Deuxièmement, cette production est une activité polluante. Troisièmement, les automobilistes jettent généralement ces prospectus sur la voie publique, et il en résulte, là encore, de la pollution. Ces prospectus sont donc polluants à plus d’un titre. Quatrièmement, ces prospectus compliquent la vie des automobilistes handicapés, qui ne peuvent pas toujours facilement faire le tour de leur véhicule pour les enlever. Cinquièmement, cela me fait faire de l’exercice.
Les réactions des passants sont très variées. Il y a ceux qui me regardent avec surprise. Il y a ceux qui me demandent pourquoi je fais cela. Il y a ceux qui sont choqués. Il y a ceux qui m’applaudissent. Il y a ce cantonnier d’origine africaine qui m’interpelle, visiblement dérangé par ce qu’il n’a pas l’habitude de voir : une fois que je lui ai rapidement expliqué mes raisons d’agir ainsi, il m’informe qu’à cause de ces prospectus, il a deux fois plus de travail, puis il me lance avec conviction : « Vas-y, mon frère, continue ! Fais ton travail ! »
L’autre jour, c’est un jeune homme qui émet cette protestation : « Eh, (il) faut laisser les gens s’exprimer ! » Curieuse parole, révélatrice de la confusion actuelle. En effet, les prospectus que j’enlève n’ont rien à voir avec l’expression (politique ? artistique ?) des « gens », et donc, avec la liberté d’expression. C’est de la publicité commerciale.
En outre, si j’en juge par l’allure, la dégaine, la façon de parler et la tenue vestimentaire de ce jeune homme, il doit voter à gauche, voire très à gauche. De sa part, défendre une méthode de publicité commerciale « sauvage » pratiquée par des entreprises à capitaux privés, me semble donc particulièrement incohérent.
Autre exemple d’invocation à tort et à travers de la « liberté d’expression », les réactions observées après que Claude Askolovitch ait été désinvité du salon du livre organisé par une association juive à Neuilly-sur-Seine, suite à une vague de protestations en raison de ses prises de position récentes.
Claude Askolovitch, qui est journaliste et chroniqueur de métier, « s’exprime » régulièrement, semaine après semaine, jour après jour, dans des journaux, à la radio et à la télévision. C’est son activité principale. Rares sont ceux qui ont autant de possibilités de s’exprimer qu’un journaliste.
Lorsque M. Askolovitch est déclaré persona non grata dans le cadre, non pas d’un débat, mais d’un événement (marginal) à caractère publicitaire (puisque les auteurs y exposent leurs livres et les vendent), organisé un dimanche dans des salons par une association qui est probablement inconnue de la plupart de ses lecteurs et auditeurs, on peut approuver ou désapprouver, mais parler d’atteinte à la liberté d’expression, comme l’ont fait certains, est parfaitement ridicule.
(P.S.: Surtout que ces gens qui parlent d’atteinte à la liberté d’expression sont les mêmes qui, il y a deux ans, ont obtenu qu’un autre salon du livre juif désinvite Christine Tasin et Pierre Cassen, en raison de leurs idées !)